À propos de Patrice DELECLUSE

Partner chez Hubadviser
Patrice possède plus de 35 ans d’expérience dans le pilotage de la performance et la transformation numérique. En tant qu’ancien Vice-Président chez Gartner, il a accompagné plus de 50 DSI dans la modernisation de leurs systèmes d’information, la gestion de la dette technique et l’alignement stratégique des investissements IT. Patrice a également exercé comme DSI pour des entreprises de renom telles que PwC, McKesson Europe AG, et Mars Europe, où il s’est concentré sur l’optimisation des coûts et la création de valeur. Son expertise, couvrant à la fois les secteurs des services, de la distribution et des biens de grande consommation, fait de lui un leader reconnu dans l’accompagnement des DSI pour répondre aux attentes stratégiques des directions générales.
Introduction

Mais alors, deux questions simples… :
- Comment définit-on l’efficacité opérationnelle d’une DSI ?
- Et surtout, comment l’améliorer de manière concrète et crédible ?
C’est pour répondre à ces questions que nous avons construit cet article. Pas de jargon, pas de vœux pieux : une méthode en trois étapes, fondée sur l’expérience de DSI engagés dans cette transformation. Vous y trouverez :
- Les fondamentaux pour établir un baseline clair : savoir ce que vous faites, ce que ça coûte, et ce que ça rapporte ;
- Les leviers concrets pour optimiser vos services, vos coûts, et vos interactions avec les métiers ;
- La manière de structurer une dynamique durable, en embarquant les équipes et en prouvant les résultats à la direction générale.
Notre ambition : aider les DSI à reprendre la main sur leur performance, à faire entendre leur voix dans les arbitrages, et à affirmer leur rôle stratégique dans la création de valeur de l’entreprise.

Étape 1 : Construire une base de références claires
Avant d’optimiser quoi que ce soit, encore faut-il savoir ce qu’on fait vraiment, combien ça coûte, et à quoi ça sert. C’est tout l’objectif de la base de références : créer une photographie précise et partagée de l’activité réelle de la DSI.
Cette étape permet d’aligner tout le monde sur la réalité du terrain, de sortir des idées floues, et de poser une base solide pour piloter les actions à venir.
Recenser les services réellement délivrés
Pourquoi ? Parce que beaucoup de DSI disposent d’un catalogue théorique, mais qui ne reflète ni les usages réels, ni les besoins actuels des utilisateurs.
Objectif : Établir une cartographie claire des services effectivement délivrés.
À documenter pour chaque service :
- Quoi ? (type de service : messagerie, ERP, support, hébergement, etc…)
- Qui le fournit ? (interne, prestataire, offshore…)
- Qui l’utilise ? (quels métiers, BU, régions…)
- Sous quelle forme ? (standard, spécifique, solution obsolète…)
Comprendre les coûts réels
Pourquoi ? Parce que parler du budget global de la DSI ne suffit pas. Ce qui compte, c’est le coût unitaire des services, et leur rapport coût / valeur.
Objectif : Pouvoir dire « ce service coûte X €, et il sert à Y utilisateurs dans Z contextes ».
À faire :
- Calculer des unités d’œuvre : coût par utilisateur, par ticket, par instance, etc.
- Rapprocher ces données de la comptabilité analytique (CAPEX/OPEX)
- Clarifier les hypothèses utilisées : mutualisation, amortissements, clés de répartition…
Cartographier les indicateurs existants
Objectif : savoir si le service est fiable, utile et bien géré.
Trois grandes familles de KPI à collecter :
- Performance opérationnelle : SLA, taux d’incidents, MTTR (Mean time to repair)…
- Qualité perçue : satisfaction utilisateur, feedbacks métiers, NPS interne…
- Charge et productivité : volume de tickets, répartition RUN vs BUILD…
Cela permet d’identifier les points forts, les irritants majeurs, et les services à améliorer en priorité.
Créer les référentiels manquants
Outils disponibles :
- Benchmarks internes : comparer les pratiques entre entités, BU, régions…
- Enquêtes de satisfaction : pour objectiver la perception des services
- Audits de processus : type ITIL ou COBIT, pour évaluer la maturité
L’objectif ici n’est pas de tout mesurer, mais de se doter d’un socle minimum, fiable et partagé, pour piloter l’amélioration en continu.
En résumé
Construire une base de références, ce n’est pas une formalité. C’est le socle qui conditionne toute la suite. Sans vision claire des services, des coûts et des indicateurs, il est impossible d’agir efficacement ni de démontrer des progrès. Cette étape permet à la DSI de sortir du flou, de gagner en légitimité, et de préparer le terrain pour une transformation structurée.
Étape 2 : Identifier les gisements d’optimisation
Une fois la base de références en place, le véritable travail commence : transformer les constats en leviers d’action. L’objectif n’est plus de mesurer, mais d’agir sur les coûts, la charge, et la perception de valeur.
La question clé à se poser : où sont les marges de manœuvre concrètes ?
Cela implique d’analyser, ligne par ligne, les postes les plus consommateurs de ressources, les services les plus coûteux par utilisateur, ou encore les irritants les plus fréquents remontés par les métiers. Ce travail nécessite une posture à la fois analytique et orientée résultats.
Trois familles de leviers à activer
- Réduire le volume d’activité : limiter les sollicitations ou demandes superflues (auto-support, revue des droits d’accès, gouvernance projet…)
- Réduire le coût unitaire : rationaliser les moyens nécessaires à la production d’un service (automatisation, externalisation, standardisation…)
- Améliorer la qualité perçue à coût constant : simplifier l’usage, clarifier les processus, fluidifier les interactions IT/métiers
Optimiser le portefeuille de services IT
Dans de nombreuses DSI, le catalogue de services s’est complexifié au fil du temps : héritages techniques, demandes spécifiques non généralisables, services maintenus par inertie…
Réduire le volume d’activité est souvent le premier levier de gains rapides.
Actions concrètes :
- Éliminer les services redondants ou obsolètes
Exemple : deux outils de messagerie coexistent (Exchange et Gmail), mais un seul est utilisé à 90 %
Solution : migrer tous les utilisateurs vers l’environnement cible et décommissionner l’autre
- Réduire les personnalisations spécifiques non mutualisables
Exemple : des workflows métiers développés sur mesure pour une seule entité
Solution : proposer une solution standardisée, ajustée au besoin réel, avec gouvernance stricte sur les exceptions
- Introduire des offres “as a service” plus souples
Exemple : remplacer les postes lourds par des VDI (Virtual Desktop Infrastructure) pour les populations volatiles
Autre cas : externaliser la sauvegarde locale en backup cloud managé, avec facturation à l’usage
Ce travail nécessite un dialogue étroit avec les métiers : chaque suppression ou transformation doit être expliquée, documentée, et appuyée par des données d’usage ou des benchmarks internes.
Réduire le coût unitaire de production
Après avoir rationalisé le portefeuille de services, l’enjeu est désormais de réduire le coût de production des services conservés. Il ne s’agit pas de rogner sur la qualité ou de tout externaliser à bas coût, mais d’optimiser les modalités d’exécution. Cette logique repose sur l’efficience : produire autant, voire mieux, avec moins de ressources engagées.
Trois leviers à mobiliser
Toutes les activités ne nécessitent pas le même niveau de proximité avec les métiers. Il convient donc d’ajuster la répartition géographique des ressources selon :
- la criticité métier,
- le niveau d’interaction requis,
- la standardisation des tâches.
Cette analyse fine permet de réduire les coûts sans impacter la qualité de service, en attribuant chaque activité au bon niveau d’exécution.
2. Industrialiser les tâches répétitives
Une part importante des activités IT repose sur des tâches récurrentes, manuelles, peu complexes. Ces tâches doivent être systématiquement identifiées, puis traitées par des automatisations, des scripts ou des outils d’orchestration.
Cette démarche permet non seulement de réduire les coûts humains, mais aussi de :
- fiabiliser les opérations,
- améliorer les délais de traitement,
- libérer les équipes pour des tâches à plus forte valeur ajoutée.
3. Externaliser les blocs non différenciants
Certaines activités techniques ou de support n’apportent aucun avantage compétitif à l’entreprise. Elles consomment pourtant des ressources humaines, des outils spécifiques, et mobilisent des équipes internes déjà sollicitées.
Exemple : la gestion de la supervision réseau ou le patching des serveurs sont des activités critiques, mais standardisées. Elles peuvent être confiées à des prestataires spécialisés capables de les exécuter à un coût optimisé, avec des engagements de service formalisés (SLA), tout en libérant les équipes internes pour des sujets à plus forte valeur.
Ces blocs techniques doivent être analysés comme des candidats à l’externalisation lorsqu’ils répondent à ces critères :
- Faible valeur ajoutée métier : ce ne sont pas des éléments différenciateurs de l’entreprise.
- Volumétrie élevée ou récurrente : la charge est significative, même si elle est invisible dans le quotidien.
- Modularité possible : ils peuvent être transférés à un tiers sans perte de maîtrise ni dépendance critique.
L’objectif ici n’est pas de sous-traiter massivement, mais de clarifier ce que la DSI doit vraiment faire elle-même, et ce qui peut être confié à des partenaires mieux positionnés pour le faire, avec plus d’efficience et de fiabilité.
Améliorer la qualité ou la simplicité perçue à coût constant
Il est parfois difficile, voire impossible de réduire davantage les coûts ou les volumes d’activité. Dans ce cas, un troisième levier reste mobilisable : améliorer la qualité d’usage, la clarté des parcours et la fluidité des interactions, sans alourdir le budget.
Cette approche permet à la DSI de renforcer son image auprès des métiers, d’améliorer la satisfaction utilisateur, et de valoriser ses services existants, à moyens constants.
Trois axes d’action :
1. Clarifier l’offre de services
Une part importante de l’insatisfaction des métiers provient moins de la qualité des services que de leur lisibilité. Si les utilisateurs ne savent pas ce que la DSI propose, à quelles conditions, ni comment y accéder, la frustration augmente.
Actions recommandées :
- Formaliser un catalogue de services compréhensible et diffusé largement
- Clarifier les engagements de service (SLA) et les modalités de demande
- Uniformiser les canaux d’entrée (portail, centre de service…)
2. Simplifier les parcours utilisateurs
La perception de qualité passe souvent par la simplicité d’usage : rapidité d’accès à l’information, réduction du nombre d’intermédiaires, interfaces intuitives.
Actions recommandées :
- Réduire les étapes ou les validations inutiles dans les processus standards (demandes de matériel, création de comptes, ouverture d’accès…)
- Déployer des outils de self-service intelligents (FAQ dynamiques, chatbots, formulaires guidés)
- Mener des ateliers d’UX interne pour améliorer les portails et les workflows
3. Renforcer l’accompagnement des utilisateurs
Un service IT peut être techniquement solide mais mal utilisé ou mal compris. Investir dans l’adoption et l’acculturation permet de maximiser la valeur extraite d’un outil ou d’un processus, sans dépenser plus.
Actions recommandées :
- Créer des contenus pédagogiques légers : tutos, vidéos, guides simplifiés
- Mettre en place des communautés de relais IT ou d’ambassadeurs dans les métiers
- Organiser des sessions de formation ponctuelles ou des “clinics” sur des sujets ciblés
En synthèse
Améliorer la qualité perçue à coût constant, c’est transformer l’expérience utilisateur sans augmenter la dépense. Cela passe par une meilleure communication, une simplification des usages, et un accompagnement plus humain. C’est un levier puissant car il agit sur la relation entre l’IT et les métiers, là où se joue souvent la crédibilité de la DSI.
Étape 3 : Structurer la transformation et embarquer les équipes
Une fois le diagnostic posé et les leviers d’optimisation identifiés, le principal risque est de rester dans l’analyse… sans passer à l’exécution. Or, améliorer l’efficacité opérationnelle ne se décrète pas : cela se pilote dans le temps, avec méthode, volonté et constance.
Ce n’est pas un projet parmi d’autres. C’est un programme structurant qui modifie en profondeur la manière dont la DSI fonctionne au quotidien. Il touche les pratiques, les habitudes, les priorités, et parfois les équilibres internes. Sans un cadre clair et une mobilisation collective, les initiatives isolées s’essoufflent rapidement.
Structurer un dispositif de pilotage solide
Un programme de transformation efficace repose d’abord sur une équipe resserrée et identifiée, avec une responsabilité claire. Il ne peut pas être porté à mi-temps ou en parallèle d’autres missions. Ce noyau dur doit être capable de :
- coordonner les actions à l’échelle de la DSI,
- prioriser les efforts en fonction des gains attendus,
- suivre les résultats et alerter en cas de dérive.
Ce pilotage doit être rattaché à la Direction des Systèmes d’Information ou au CIO Office, pour garantir son ancrage stratégique. Il s’appuie idéalement sur :
- un PMO dédié au suivi du programme,
- un responsable de la conduite du changement,
- des relais dans chaque domaine technique ou fonctionnel (infrastructure, ERP, support, etc.).
Ce réseau permet de garder le lien avec le terrain, de remonter les blocages, et de diffuser les bonnes pratiques plus rapidement.
Déployer une gouvernance transverse
Un programme d’efficacité opérationnelle ne peut pas réussir s’il est imposé uniquement “par le haut”. Il doit impliquer les managers IT, car ce sont eux qui, chaque jour, arbitrent les demandes, organisent les équipes et traduisent la stratégie en actions.
Mettre en place une gouvernance transverse permet de :
- garantir l’alignement entre les priorités globales et les réalités locales,
- créer un espace de dialogue régulier sur les objectifs, les résultats, et les ajustements à faire,
- donner de la visibilité à l’avancement du programme auprès de toutes les parties prenantes.
Cela passe par des rituels simples mais réguliers : comité d’alignement, revues trimestrielles, arbitrages collectifs. Le pilotage doit être basé sur des résultats concrets, mesurables et compréhensibles pas uniquement sur des efforts ou des intentions.
Embarquer les équipes : former, expliquer, simplifier
La réussite de la transformation dépend en grande partie de l’adhésion des équipes opérationnelles. Or, la résistance au changement est souvent liée à un manque de compréhension, plus qu’à une opposition de principe.
Il est donc essentiel de :
- expliquer le sens de la démarche : pourquoi elle est engagée, ce qu’elle vise à améliorer, et ce que chacun y gagne,
- former aux nouveaux standards ou outils introduits (catalogue de services, automatisation, reporting, etc.),
- valoriser les équipes impliquées, en partageant les réussites, en simplifiant les irritants, et en instaurant une culture d’amélioration continue.
Un effort particulier doit être fait sur la communication interne : nom du programme, supports visuels, témoignages internes, rituels collectifs… Autant d’éléments qui contribuent à créer une dynamique positive.
Mesurer l’impact et adapter en continu
Améliorer l’efficacité opérationnelle est une démarche de fond. Les premiers gains doivent être visibles rapidement (quick wins), mais les bénéfices profonds s’inscrivent dans la durée.
Pour garder l’engagement et piloter correctement la transformation, il faut :
- définir une trajectoire d’indicateurs (baseline ➝ cible à 12 mois ➝ cible à 24 mois),
- construire un tableau de bord clair, visible à la fois par les équipes IT et par la direction générale,
- célébrer les succès, même modestes, pour entretenir la motivation collective.
Le pilotage ne doit pas être figé. Il doit intégrer des retours réguliers du terrain, permettre des ajustements, et rester centré sur la valeur réelle produite.
En synthèse
La réussite d’un programme d’efficacité opérationnelle repose autant sur sa rigueur de pilotage que sur sa capacité à mobiliser les équipes. Ce n’est pas un audit, ni une initiative ponctuelle : c’est un engagement dans le temps, qui modifie les pratiques et renforce la crédibilité de la DSI. À condition d’être structuré, incarné, et partagé.
Conclusion : Repenser l’efficacité opérationnelle : une démarche stratégique pour la DSI
Dans un contexte de tension budgétaire, de complexité croissante des systèmes et d’attentes accrues des métiers, l’amélioration de l’efficacité opérationnelle n’est plus une option pour la DSI : c’est une exigence. Mais encore faut-il savoir par où commencer, et comment structurer l’effort dans le temps.
Cette démarche repose sur trois étapes clés :
- Construire une base de références claire : établir une photographie rigoureuse des services délivrés, de leurs coûts et de leur performance. Sans ce socle de mesure partagé, il est impossible de piloter efficacement.
- Identifier les gisements d’optimisation : une fois les constats posés, il faut les traduire en leviers concrets, qu’il s’agisse de rationaliser le portefeuille de services, de réduire les coûts unitaires ou d’améliorer la qualité perçue sans dépenser plus.
- Structurer la transformation et embarquer les équipes : la réussite repose autant sur l’organisation du pilotage que sur l’adhésion des équipes. Ce n’est pas un projet ponctuel, mais un programme d’amélioration continue qui transforme la culture et les pratiques au quotidien.
Ce qu’il faut retenir :

L’efficacité opérationnelle n’est pas un exercice purement technique. C’est un levier de transformation globale, qui engage l’ensemble de la DSI, de la gouvernance à l’exécution. C’est aussi un moyen pour la DSI de reprendre l’initiative, de démontrer sa valeur, et de renforcer sa position de partenaire stratégique auprès des métiers et de la direction générale.
