Aujourd’hui, une question brûlante anime les réunions stratégiques de presque tous les dirigeants : comment intégrer efficacement l’intelligence artificielle dans l’entreprise ?

Que ce soit pour améliorer les processus de production, dynamiser les approches commerciales ou optimiser les fonctions support internes, l’enjeu est clair : gagner en efficacité opérationnelle et compétitivité. Dans cette course à l’intégration de l’IA, certains chefs d’entreprises mobilisent d’importants moyens, font appel à des cabinets de conseil réputés, mais risquent parfois de prendre des décisions coûteuses ou inadaptées. Pourtant, une approche pertinente consiste à regarder en arrière pour anticiper l’avenir. 

C’est justement ce que nous vous proposons dans cet article : revenir sur l’histoire des Digital Factories. Apparues à la fin des années 2010 dans la quasi-totalité des groupes du CAC 40 et dans certaines ETI, elles constituent un précédent intéressant à analyser. Sept à huit ans après leur création, il est temps d’en tirer les enseignements, d’identifier leurs limites et de se demander si ce modèle peut inspirer la transition vers l’IA, en d’autres termes, faut-il créer des IA Factories ?

Pourquoi les Digital Factories ont-elles vu le jour ?

Dans les années 2010, les grands groupes ont rapidement compris que la technologie devenait un impératif stratégique vital, notamment avec l’arrivée spectaculaire de Tesla dans l’industrie automobile. L’innovation devenait non plus une option, mais une nécessité urgente pour ne pas se laisser distancer. Les Digital Factories ont été créées précisément pour répondre à cette urgence, en mobilisant des talents variés : développeurs, UX designers, data scientists et experts en stratégie, recrutés souvent à l’extérieur de l’entreprise. Appuyées par des cabinets prestigieux comme BCG ou McKinsey, ces équipes transverses avaient pour but de générer des idées innovantes, rapidement exploitables pour rester compétitif.

👉 Un tournant symbolique : en quelques années, Tesla a redéfini les standards de l’industrie, non seulement en matière de motorisation électrique, mais surtout par son ADN technologique. 

Comment fonctionnaient les Digital Factories ?

Les Digital Factories étaient des équipes centralisées, transversales, fonctionnant à la manière d’un cabinet de stratégie interne à l’entreprise. Leur rôle principal était d’aller à la rencontre des différentes parties prenantes métier, afin d’identifier ou de faire émerger des cas d’usage innovants grâce à des méthodes éprouvées telles que l’Open Innovation ou le Design Thinking.

Ces équipes disposaient également d’une capacité d’investissement propre. Par exemple, comme le souligne l’ancien directeur général de Renault Digital, la Digital Factory du groupe Renault disposait initialement d’un budget corporate centralisé, spécifiquement dédié à financer des projets technologiques innovants. Ces projets, alignés avec la stratégie de l’entreprise, devaient être validés par le top management, mais bénéficiaient d’une réelle autonomie financière et opérationnelle pour accélérer leur concrétisation.

Pourquoi avoir contourné la DSI historique ?

Face à cette nécessité d’agilité et d’innovation, la DSI traditionnelle n’a pas été le choix évident pour les dirigeants. Perçue davantage comme une entité orientée vers le support technique et la réduction des coûts, souvent éloignée des réalités opérationnelles des métiers, elle apparaissait incapable de jouer ce rôle moteur. Les Digital Factories, en revanche, étaient vues comme des structures dynamiques, capables d’identifier rapidement des opportunités technologiques innovantes et potentiellement rentables, en lien étroit avec les besoins réels des métiers.

Quel bilan pour les Digital Factories ?

Les Digital Factories ont permis de gagner en rapidité, efficacité, et surtout en culture technologique au sein des organisations. L’adoption massive du cloud et la sensibilisation des équipes dirigeantes aux enjeux de la data et de l’IA constituent des succès indéniables. Pourtant, tout n’a pas été parfait : les coûts élevés de recrutement de talents externes et les frais associés au recours intensif à des consultants de haut niveau ont limité leur rentabilité à court terme. Malgré cela, l’impact culturel positif reste indéniable, rendant aujourd’hui inconcevable pour un dirigeant de négliger l’importance stratégique de la technologie.

Quelle évolution aujourd'hui pour les Digital Factories ?

Aujourd’hui, le contexte économique plus contraint pousse les Digital Factories à être intégrées progressivement au sein des DSI, réduisant ainsi leur périmètre et leur budget. Les métiers prennent désormais directement en main l’identification des opportunités technologiques, réalisant eux-mêmes la veille stratégique. Les Digital Factories et la DSI interviennent principalement pour l’industrialisation des solutions identifiées. Parallèlement, le marché du recrutement technologique s’ajuste à cette nouvelle réalité économique, entraînant une baisse des salaires pour des profils autrefois très recherchés comme les développeurs, data scientists ou data engineers.

Comment prendre la vague de l’IA : le parti pris de Hubadviser

Chez Hubadviser, nous avons un parti pris fort : la meilleure façon d’adopter l’intelligence artificielle en entreprise, c’est de miser sur la décentralisation, pas sur la concentration du sujet entre quelques experts.

Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui, l’envie est déjà là. Dans la majorité des entreprises, les collaborateurs sont curieux, motivés, parfois même enthousiastes à l’idée d’utiliser l’IA.

Ce sont les métiers eux-mêmes qui sont les mieux placés pour identifier les cas d’usage concrets, là où l’IA peut vraiment créer de la valeur. À condition, bien sûr, qu’on leur donne le droit d’essayer, de tester, d’expérimenter.

À l’inverse, vouloir confier le sujet IA à une équipe unique et centrale, chargée de tout valider et tout cadrer, risque surtout de brider les initiatives. Ces équipes, aussi compétentes soient-elles, sont souvent trop éloignées du terrain pour savoir précisément où l’IA peut faire la différence.

C’est un changement majeur par rapport à l’époque des Digital Factories. À cette époque, il fallait encore convaincre, évangéliser, expliquer. Mais l’IA, et le COVID, ont changé la donne. Aujourd’hui, la demande vient du terrain. Il faut donc accompagner plutôt que contrôler.

Pour nous, cela ne signifie pas qu’il ne faut plus d’équipe centrale. Au contraire.
Mais son rôle doit être différent : non plus impulser la transformation, mais la soutenir intelligemment, sur deux axes essentiels :

1. Le cadre réglementaire : des équipes pluridisciplinaires, capables de comprendre à la fois la technologie et les exigences juridiques (comme l’IA Act ou le RGPD).

2. Le cadre technologique : garantir que les choix d’architecture (cloud privé, data centers internes, cloud public…) permettent un usage sécurisé, souverain, et respectueux des données.

C’est à cette équipe centrale de poser les fondations :
✅ protéger la donnée,
✅ s’assurer de la conformité,
✅ accompagner les métiers dans leurs expérimentations.

Mais c’est bien aux métiers de faire émerger les cas d’usage, d’explorer, de créer.

Certaines entreprises l’ont déjà compris, comme Mirakl, qui a encouragé tous ses collaborateurs à utiliser l’IA au quotidien.
Chaque semaine, ils partagent leurs retours avec leurs managers : ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, ce qui apporte de la valeur. Une démarche simple, efficace, et surtout concrète.

Libérer l’IA pour mieux comprendre comment elle peut transformer l’entreprise. C’est cette vision que nous portons chez Hubadviser.

À propos de l'auteur

Ismail a une expérience de 15 ans dans le conseil IT et digital. Il a évolué pendant près de 7 ans chez Gartner. Il a accompagné des startups innovantes dans leur stratégie de croissance, mais aussi travaillé avec des DSI de grands groupes sur leur transformation digitale. En 2021, Ismail a créé Hubadviser pour permettre aux DSI de challenger leur vision avec des experts de haut niveau.

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