Où positionner la Data dans l’organisation ? Quelle gouvernance de la donnée ? Comment s’assurer le sponsorshop des métiers ?

Pour obtenir des réponses à ces questions que de nombreux CDOs se posent, nous avons interviewé Isabel Gomez Garcia de Soria , Group Chief Data& Analytics Officer chez L’Oréal.

Peux-tu nous raconter comment tu es devenu Chief Data Officer chez L’Oréal ?

J’ai rejoint L’Oréal en 2019 avec pour ambition de structurer la data au sein du groupe. L’Oréal m’a confié trois missions principales :
1) Permettre de faire communiquer les données venant de métiers différents et briser les silos.
2) Passer à l’échelle. De nombreuses initiatives Data existaient au sein du groupe mais il fallait les faire mûrir pour créer de la valeur.
3) Contribuer à la stratégie de l’entreprise et permettre le développement de notre offre « Beauty Tech ». L’Oréal mise sur l’ultra personnalisation, la donnée est forcément un pilier important de cette stratégie.

En tant que CDO, tu es rattachée au CFO, peux-tu nous pourquoi ce choix ?

Tout d’abord je t’explique ce que l’on ne voulait pas. On ne voulait surtout pas que le Data soit perçu uniquement comme un sujet Tech. C’est pourquoi, nous avons voulu que la Data ne soit pas rattaché à la DSI car dans la culture L’Oréal, la DSI ne drive pas les initiatives business. Il fallait impérativement que la direction Data soit dans le business.

Ensuite, on est parti de notre besoin, L’Oréal avait besoin de mettre de l’ordre dans ses données, il fallait que le groupe impulse un élan dans l’ensemble du groupe y compris ses filiales.

C’est pourquoi on a décidé de rattacher la Data à la direction financière car notre direction financière est puissante. C’est une direction qui a une vue assez complète de tout ce qui se passe dans le groupe et ses filiales. Pour ces deux raisons, il faisait sens de nous intégrer à la Direction Financière et c’est un choix payant jusqu’ici. Par contre, rien ne dit que cela sera le cas demain, on s’autorise le droit au changement.

Comment créé-t-on une data governance dans un si grand groupe avec tant de filiales ?

En fait on doit déjà partir du modèle globale que l’on souhaite adopter. Chez L’Oréal ce qui faisait sens c’était d’avoir une gouvernance fédérée. Les Data Owners ne sont pas dans mon équipe, ils doivent être dans les métiers directement, ce sont les métiers qui sont les plus mêmes d’exploiter la donnée.

Ensuite on a articulé la data governance sur deux missions principales :

1) Data Ready for Business : rendre la donnée accessible et fiable aux métiers.

2) Business Ready for Business : éduquer les métiers à l’exploitation et la valorisation de la donnée.

Comment as-tu avancé sur les initiatives Data Ready for Business & Business Ready for Data ?

A mon arrivée j’ai passé beaucoup de temps sur Data Ready For Business.

C’est un sujet assez sensible, car il faut expliquer au business que pour commencer à exploiter la donnée et en tirer un bénéfice, il faut d’abord investir même s’il n’y a pas de ROI. Il faut investir dans la qualité de donnée, dans une plateforme, dans un référentiel de données… tout cela coûte du temps et de l’argent mais c’est un « mal » nécessaire, j’appelle cela la dette. Il y’a un travail de transparence et d’éducation à faire tout en indiquant clairement que plus on attend pour le faire plus ce sera couteux pour l’entreprise.

Depuis 12 mois je travaille beaucoup sur la deuxième initiative, Business Ready for Data. Le but est d’embarquer les métiers dans cette transformation.

Si le métier ne joue pas le jeu de la data, c’est un coup d’épée dans l’eau. Il faut vraiment les intégrer dans le projet.

La difficulté d’embarquer les métiers est partagée par de nombreux CDOs, comment fais-tu pour atteindre cet objectif ?

La gouvernance a joué un rôle clé. J’ai travaillé directement avec le CFO et le CEO de L’Oréal pour trouver 18 Data Owners au sein du groupe capable de gérer et valoriser leurs données. Le CEO a désigné ces 18 personnes. Il s’est basé sur différents critères pour sélectionner les « élus » comme leur importance dans leur business unit, leur leadership, leur créativité. J’ai ensuite écrit personnellement à ces 18 personnes une lettre leur expliquant qu’ils avaient été désignés Data Owner et j’ai fait signer la lettre par mon CEO.

Ce formalisme était nécessaire pour leur faire comprendre que cette nouvelle casquette était importante, ils ont d’ailleurs aussi été valorisés pour cela. On a constitué un véritable club data au sein de L’Oréal avec des personnalité importantes et volontaires. En fait, c’était un privilège et une récompense d’intégrer ce « club » data.

Comment ces 18 Data Owners ont fait avancer le sujet Data au sein de L’Oréal ?

Tout d’abord on a formé les 18 Data Owners. On leur a expliqué les attentes, la vision, les différents métiers de la Data et on les a initié aux technologies Data.

Ensuite pour les épauler, on a recruté 120 personnes ( L’Oréal emploie 86000 personnes) pour travailler concrètement sur les sujets Data à commencer par des Data stewards pour gouverner la donnée.

Aujourd’hui on a des équipes Data dans 18 business units différentes qui constituent les fédérations de notre modèle distribué.

Quelle est ta relation avec la DSI ?

C’est un partenaire clé, notre DSI a même désigné une personne au sein de son équipe responsable du sujet Data. C’est une sorte de CTO appliqué à la Data et il intervient beaucoup dans nos questions stratégiques. Par exemple, c’est lui qui est charge de la Data Platform et de la stack technologique.

Si tu pouvais revenir dans le passé, que ferais différemment ?

C’est difficile à dire mais avec un peu de recul, je pense que je tenterais d’être un petit peu plus ferme sur certains sujets avec les métiers. C’est bien d’être ouvert au dialogue et de laisser une certain flexibilité mais sur le sujet Data, il faut aussi être ferme sur certaines positions. Il faut définir un cadre et veiller à ce que les acteurs n’en sortent pas.

Que penses-tu de Hubadviser ?

Je trouve votre concept très bon car il permet d’échanger avec des pairs et des experts qui ont un feedback terrain. Cela a beaucoup de valeur pour moi car le sujet Data est tellement nouveau, qu’on a besoin de s’appuyer sur des retours d’expérience concrets et éprouvés pour justifier des prises de décisions.

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