Structure de l’équipe Data & Analytics : Retour d’expérience

Comment structurer l’équipe Data & Analytics ? Où positionner la data dans l’organisation ? Quels profils recruter en premier ?

Pour obtenir des réponses à ces questions que se posent de nombreux CDOs, nous avons interviewé Olivier Monnier, Chief Data Officer chez Matmut, un groupe d’assurance comptant 6 300 collaborateurs et réalisant un chiffre d’affaires de 2,9 milliards d’euros.

Olivier, merci de nous recevoir. Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Olivier Monnier, Chief Data Officer Groupe chez Matmut depuis deux ans. Avant cela, j’ai travaillé chez Roquette, HSBC et Scor dans des contextes très différents.

Pouvez-vous nous dire comment vous êtes devenu Chief Data Officer chez Matmut ?

Il y avait une volonté de la part du COMEX de la Matmut d’industrialiser les initiatives Data & Analytics au sein du groupe. En 2015, un « Datalab » a été créé au sein de la DSI, ce qui a permis de lancer de nombreux petits projets Data.

La direction souhaitait passer à l’échelle et aller au-delà de la phase d’expérimentation. L’objectif était de tirer pleinement parti des nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle, pour conquérir de nouveaux clients et améliorer l’efficacité opérationnelle.

Où se situe la fonction Data au sein de la Matmut ?

Comme je l’ai mentionné, avant mon arrivée, il existait déjà un Datalab rattaché à la direction informatique. Cependant, nous avons décidé de créer une véritable direction Data à part entière, rattachée directement au COMEX. L’idée était de créer un pont entre les métiers et la DSI, car ils ne fonctionnent pas au même rythme.

Comment avez-vous structuré votre équipe ?

J’étais seul lorsque que j’ai débuté, mais deux ans plus tard, mon équipe compte 15 personnes.

Je l’ai structurée autour de quatre pôles distincts :

  • Data Analytics
  • Data Science
  • Data Engineering
  • Data Management

J’ai choisi de recruter en priorité deux types de profils : les Data Analysts et les Data Engineers.

Les Data Analysts étaient essentiels pour moi, car ils représentent le lien direct avec les métiers. En termes de profils, j’ai recruté des experts de la donnée qui ne souhaitaient plus vraiment travailler sur des aspects techniques, mais préféraient consacrer leur temps à comprendre les enjeux métiers.

Ensuite, j’ai passé beaucoup de temps à recruter des Data Engineers, dont les compétences sont de plus en plus rares sur le marché. Mais avec de la patience et de la détermination, j’ai fini par constituer une équipe solide.

Comment gérez-vous la pénurie de talents ?

La gestion des talents est une priorité pour nous. Je n’ai pas de recette miracle, mais j’ai adopté la stratégie suivante : je ne cherche pas à recruter les meilleurs talents, mais à constituer une équipe complémentaire. Il faut aussi être prêt à accompagner des profils qui ne sont pas encore totalement matures pour leur permettre de monter en compétence, la patience est essentielle. La Matmut étant basée à Rouen, cela représente une difficulté supplémentaire.

C’est pourquoi nous avons beaucoup travaillé avec les ressources humaines. Nous avons pris le temps de former les recruteurs aux enjeux Data & Analytics. Nous avons également mis en place un processus de recrutement incluant des tests techniques, afin de mieux qualifier les candidats dès le début et d’améliorer l’expérience de recrutement.

Comment avez-vous priorisé les premiers cas d’usage pour générer de la valeur ?

Tout d’abord, j’ai un principe de base : je ne fais pas de PoC (Proof of Concept).

Il y a sept ou huit ans, on réalisait des PoC pour évaluer si un projet Data pouvait générer de la valeur. Aujourd’hui, cette question ne se pose plus. La réponse est évidemment oui.

Je me concentre uniquement sur des cas d’usage opérationnels et scalables. Et avant de lancer un projet, je dois valider trois points :

Pourquoi ce cas d’usage ?

  • Quelle valeur peut-il générer ? (Je parle de valeur, pas de ROI.)
  • Quel est le risque de ne pas le faire ?

Si les métiers ne sont pas clairs sur ces trois questions, nous ne prenons pas le cas d’usage.

Ensuite, au niveau de l’équipe Data, pour prioriser nos projets, nous avons mis en place une méthodologie basée sur cinq questions :

  • Peut-on utiliser les données ? (fiabilité, accessibilité, diversité)
  • Quel est l’effort de prétraitement ?
  • Quelle est la complexité des algorithmes à développer ?
  • Quelle est la visibilité du projet dans l’entreprise ?
  • Quel est l’impact business ?

Nous attribuons un score à chacun de ces critères. À la fin, les projets avec le score le plus élevé sont priorisés.

Comment sécurisez-vous le sponsoring ?

Le sponsoring doit se faire à deux niveaux.

Il faut travailler et expliquer sa vision au COMEX, mais aussi sécuriser la relation avec les responsables métiers.

Mon COMEX était convaincu de l’importance de la Data & Analytics pour notre activité.

En revanche, les responsables métiers n’étaient pas 100 % convaincus, ni forcément prêts à changer leurs habitudes. Il a donc fallu les impliquer activement dans cette transformation.

Pour cela, nous avons procédé ainsi :

  • Nous avons rencontré les responsables métiers,
  • Identifié avec eux les cas d’usage potentiels,
  • Puis nous avons présenté une synthèse de ces échanges au COMEX.

C’est ensuite le COMEX qui décide quels cas d’usage doivent être priorisés.

Cette méthodologie nous a permis d’impliquer tous les acteurs dès le départ.

Qu’en est-il de votre relation avec la DSI ?

La DSI est impliquée partout, c’est un partenaire stratégique. J’ai passé beaucoup de temps avec mon DSI pour définir clairement les rôles et responsabilités de chacun.

Quelles sont les responsabilités de l’équipe Data Management ?

L’équipe Data Management se concentre sur trois enjeux majeurs pour nous :

  • La qualité des données

  • Le catalogue de données

  • La définition des Data Owners, jusqu’à la rédaction d’une véritable fiche de mission.

En termes de stack technologique, pouvez-vous nous parler des outils qui vous ont aidé dans votre rôle ?

Il y a un outil qui me vient naturellement à l’esprit, car il nous a vraiment fait passer un cap et a changé la façon de penser des CDO : c’est DataRobot. Ce type d’outil transforme profondément la manière dont travaillent les data scientists. Grâce à cette technologie, la capacité à coder devient secondaire, car le logiciel est capable de générer des algorithmes de bonne qualité.

En matière de recrutement, l’impact est considérable. Il y a 4 ou 5 ans, on cherchait avant tout des candidats très forts en code. Aujourd’hui, grâce à l’Auto Machine Learning, je privilégie les profils capables de comprendre les enjeux métiers.

Un autre avantage de cet outil est qu’il permet d’intégrer nos propres scripts Python développés en dehors de la plateforme.

En termes de gouvernance au sein de l’équipe Data, quel mode avez-vous choisi ?

J’ai adopté une gestion très centralisée au départ, afin de faire monter mon équipe en maturité.

Mais à moyen terme, l’objectif est de décentraliser progressivement l’organisation pour évoluer vers un modèle de Data Mesh, qui est une véritable ambition pour nous, car c’est un modèle en lequel je crois profondément.

Que pensez-vous de Hubadviser ?

Je recommande Hubadviser, car il n’y a rien de mieux que d’échanger avec ses pairs pour prendre du recul sur sa propre situation. Obtenir des avis objectifs, indépendants et opérationnels a énormément de valeur à mes yeux.